Stéphane Lecointe, Chargé de mission Décarbonation de l’Industrie, ADEME Régions Bretagne et Pays de la Loire : "Pour entreprendre une démarche bas carbone sur son site industriel, la première chose à faire est de se poser les bonnes questions"
Quels sont les facteurs d’émissions les plus importants en IAA ?
La production de chaleur pour le séchage ou la cuisson, l’un des plus gros facteurs d’émissions, est lié à la combustion de combustibles fossiles (bien souvent le gaz) des chaudières. De façon générale, en industrie, nous avons des installations qui sont lourdes, des process souvent anciens avec des optimisations à apporter. Clairement, les marges d’économies pour l’agroalimentaire sont sur les économies d’énergie, surtout au regard du prix des énergies qui vont encore augmenter dans les années à venir. Le deuxième poste gourmand en énergie, concerne le froid, notamment quand les installations sont également vieillissantes. Nous avons des usines dont la capacité de production a évolué, ce qui est plutôt positif, mais pour optimiser l’énergie de façon efficace, certaines actions peuvent être menées… Il est aussi nécessaire de s’adapter au changement climatique : même si c’est anecdotique pour le moment, on se retrouve parfois avec de la production de froid dont on a dû augmenter la puissance en cascade au fil des années pour passer les quelques semaines particulièrement chaudes au cœur de l’été. On arrive alors à une organisation du froid assez erratique parce qu’effectivement renouveler l’intégralité des installations de production de froid représente un gros investissement. On se retrouve avec une surconsommation d’électricité, et des taux de fuites qui sont incompressibles. Sur des installations récentes, on peut avoir des taux de fuite de l’ordre de 5% à l’année, alors que sur des plus anciennes on peut constater 15 à 20% de fuites de fluides frigorigènes ayant de plus très souvent des coefficients d’émissions (en équivalent CO2) beaucoup plus élevés que des fluides frigorigènes plus récents (tout en respectant bien entendu la réglementation sur la nature des fluides en question).
Entreprendre une démarche Bas Carbone... par où commencer ?
Pour entreprendre une démarche bas carbone sur son site industriel, la première chose à faire est de se poser les bonnes questions. Vous pouvez avoir des compétences en interne ou des personnes, qui, au-delà de piloter ou assurer la maintenance des process, ont des capacités d’expertise sur ces sujets et disponibles pour piloter l’énergie. Il s’agit alors de mesurer et suivre dans le temps les consommations, établir quelques indicateurs de performances, entre les volumes transformés, les consommations énergétiques…. Le fait de traduire tout cela en tableau de suivi, permet d’identifier les gros postes de consommation, en réussissant éventuellement à les comparer sur des consommations moyennes. Pour cela, il existe aujourd’hui de plus en plus de statistiques, de retours d’expériences, d’outils que proposent des équipementiers, des énergéticiens, etc. … Ensuite, il est possible de mettre en œuvre un plan d’action pour, petit à petit, sujet par sujet, éliminer les surconsommations, récupérer de la chaleur… De nombreuses formations accessibles, potentiellement financées par des certificats d’économie d’énergie, permettent de faire monter en compétences les personnes impliquées. Elles peuvent être par exemple destinées à un responsable maintenance qui gère déjà ces choses, mais de façon totalement empirique et non construite. Pour aller plus loin, un bureau d’étude peut mesurer l’efficacité d’un avant-projet, réaliser une étude de faisabilité,… les entreprises peuvent être aidées financièrement par l’Ademe pour cela. Il est donc important de se poser au départ les bonnes questions, évaluer les coûts, identifier les points d’amélioration, calculer du temps de retour, passer à l’action… ces premiers efforts vont permettre d’obtenir des économies "concrètes" en euros, pour optimiser sa démarche d’efficacité énergétique en finançant des projets plus ambitieux.
Quelles sont les aides allouées aux TPE/PME pour leur démarche Bas Carbone ?
L’Ademe accompagne les TPE jusqu’aux plus grandes structures, notamment pour la question de financement. Les TPE/PME bénéficient d’un taux d’aide supérieur à ce que peuvent obtenir de grands groupes. Par ailleurs, pour celles qui n’ont pas forcément de ressources humaines dédiées, il existe des outils à disposition des industriels. Le Diag Eco-Flux permet à une entreprise de bénéficer d’un conseil 360° d’un bureau d’étude sur ses consommations d’énergies, ce qui va permettre d’emblée de réaliser un panorama de consommation du site et décliner instantanément un plan d’actions le plus concret possible, avec des préconisations claires et précises. Une autre prestation conçue par l’Ademe techniquement et confiée à BPI dans son déploiement sur le même modèle économique, le "Diag Décarbon'Action", est un dispositif pour accompagner les entreprises à réduire leur empreinte carbone. Il existe un deuxième niveau autour des approches "bilan gaz à effet de serre". Une entreprise peut avoir rapidement à rendre des comptes à des donneurs d’ordre sur son bilan GAS comme on le constate de plus en plus. C’est là où le Diag Décarbon'Action a toute son importance. En parallèle, il est possible depuis 2021 et encore pour quelques mois, de se faire financer un bilan de gaz à effet de serre via le dispositif "Tremplin" de l’Ademe (réservé aux TPE/PME). Celui-ci ira un peu moins dans le détail sur les aspects conso énergétiques, en indiquant par exemple qu’il y a un chantier à réaliser sur une chaudière. Par contre, il va aussi pouvoir dire que tel intrant agroalimentaire possède un coefficient d’émissions particulièrement lourd... Il peut exister des impactants auxquels l’industriel ne pense pas forcément ! Il peut être persuadé de devoir améliorer son process pour réduire son impact, alors qu’il peut s’agir de questions radicalement différentes. On sort du process industriel et des émissions directes de l’usine agroalimentaire, nous sommes dans les émissions indirectes et le sourcing, la qualité et la nature même des intrants, qui représentent un sujet très important.