2010-2019 Alimentation : en dix ans, un consommateur nouveau est né

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03 janvier 2020 à 09:00

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LE BILAN DE LA DÉCENNIE Les dix dernières années écoulées ont vu s’opérer de très profonds bouleversements dans la consommation alimentaire. La méfiance s’est installée sur tous les fronts. Les grandes marques sont celles qui ont le plus été remises en cause. Le blanc-seing qui leur était donné s’est envolé au profit de petites marques inconnues, dont les plus grands mérites sont la proximité et la dimension artisanale. Au passage, le bio s’est taillé une place de choix. Et le vegan s’est infiltré.

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Par Marie-Josée Cougard

"La crise financière semble jugulée…. la crise économique, elle, n’est pas finie. Quant à la crise sociale, elle commence seulement", déclarait Franck Riboud, le PDG de Danone aux "Echos", il y a dix ans. Menu salé qui s’accompagnera d’un "changement profond des habitudes de consommation. Il n’y aura pas de retour en arrière", jugeait encore celui qui était alors aux commandes du numéro un mondial des produits ultra-frais. 

Ingrédients suspects

Une décennie plus tard, ces propos semblent quasiment divinatoires. Jamais sans doute l’univers de la consommation alimentaire n’a subi autant de mutations en aussi peu de temps qu’entre 2010 et 2020, obligeant les grandes entreprises du secteur à repenser leur stratégie bien plus profondément qu’elles ne l’avaient anticipé.

Principales perdantes de la période, les grandes marques ont perdu une bonne partie de leur crédit. Fini la main que le consommateur tendait aveuglément ou presque vers la bouteille ou la boîte dont le logo suffisait à inspirer confiance. Place à l’ examen détaillé du contenu , quitte à replacer l’article en rayon si la lecture de l’étiquette n’est pas concluante. De plus en plus souvent, des applications de "conseil santé", comme Yuka , qui promettent un examen de la qualité du produit en temps réel, sont dégainées dans les rayons.

Au fil des ans, la liste des ingrédients suspects puis proscrits a commencé à grossir, pour s’allonger encore et encore. Au banc des accusés, les additifs, les colorants, les épaississants, les substances chimiques en tous genres, l’huile de palme, le dioxyde de titane, les E, voire le gluten, le lactose, les nitrites, le sucre, le sel… 

L’industrie en ligne de mire

Pris à revers, les industriels friands de ces ingrédients se sont offusqués. Ils se sont d’abord défendus avec véhémence, dénonçant "l’agro-bashing". Rien n’y a fait. Le consommateur a bel et bien changé, il est devenu sceptique. Et comme l’avait prédit, Franck Riboud, il n’y aura pas de retour en arrière. Les entreprises ont dû se rendre à l’évidence. Poussées au-delà des limites scientifiquement vérifiées, les allégations santé , qui mettaient en avant les vertus a priori thérapeutiques de certains aliments, ont été parmi les premières à disparaître. Interdites par la Commission européenne.

Toutes les entreprises agroalimentaires ont dû faire leur mise à jour. D’autant qu’au même moment commençait à émerger une vraie curiosité pour les productions locales, la vente en direct, les marchés. Dans le secteur des alcools, bière en tête, on a vu exploser le "craft" et la mode de l’artisanal . Le "petit producteur" est l’un des grands gagnants de la décennie qui s’achève. Les petites entreprises ont pris de la place dans les linéaires, où les "majors" de la nourriture régnaient jusque-là en maîtres. Les notions de petits et bons se sont superposées, tandis que les mots industriel et suspect commençaient à se confondre dans la tête des consommateurs.

Le lit du bio

Tout est devenu objet de méfiance, tant et si bien qu’on a vu fleurir les "zéro ci, zéro çà" et les "sans" : sans OGM, sans gluten, sans antibiotique, sans pesticide, sans huile de palme. Ainsi a commencé la grande valse des recettes. L’industrie a transformé les rejets en arguments marketing et s’est mise à communiquer sur les absents. Peu à peu, les entreprises agroalimentaires ont réduit le nombre d’ingrédients à un petit nombre de basiques transparents. Des matières premières toutes simples – beurre, crème, lait, céréales, oeufs….

Ce contexte a concocté un lit confortable au bio . Cette décennie est celle de sa consécration. En dix ans, le marché bio a triplé en France, passant de 3,1 milliards d’euros en 2009 à 9,7 milliards en 2018. Le cahier des charges des producteurs, il faut le dire, répond point par point à toutes les critiques des consommateurs à l’égard de l’alimentation. Avant tout, ils y voient des produits plus naturels, plus sûrs pour leur santé et plus conformes à leurs voeux d’une meilleure protection de l’environnement. En France, un hectare cultivé sur dix est désormais bio . 

L’offensive vegan

Autre nouveauté dans le paysage, le phénomène vegan. Les start-up proposant des succédanés de viande entièrement végétaux bourgeonnent, et séduisent les grandes chaînes de fast-food. Les géants de l’agroalimentaire y ont vu un réel intérêt économique, au point que Danone a investi 12,5 milliards de dollars dans l’acquisition de White wave , le champion américain du végétal. Et si Nestlé s’est, lui, contenté de proposer de nouvelles recettes, le groupe Bel a entrepris de végétaliser ses spécialités fromagères, dont La Vache qui rit .

Les coopératives agricoles avouent "devoir changer de logique"

A l’inverse de tous les autres produits alimentaires, les fabrications vegan multiplient les ingrédients, n’hésitant pas à réintroduire sucre et sel pour donner du goût à ce qui n’en a naturellement pas. Ainsi en va-t-il de l’utilisation du jus de betterave rouge, qu’on cuisine désormais pour imiter le sang dans les boulettes de "viande" hachée végétale . Cela, Franck Riboud ne l’avait pas imaginé il y a dix ans. 

Marie-Josée Cougard


source : https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/alimentation-en-dix-ans-un-consommateur-nouveau-est-ne-1158168

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