Dirigeant français spécialisé dans la gestion des crises et des transformations, Arnaud Marion est également le Fondateur de l’IHEGC (Institut des Hautes Études en Gestion de Crise).
Il se présente comme "un entrepreneur qui travaille pour les entrepreneurs faisant face à des difficultés". Il a d'ailleurs consacré les vingt dernières années à gérer des crises et des transformations. Pour former les chefs d’entreprises, il a fondé récemment l’IHEGC "C’est en quelque sorte l’école de guerre des dirigeants. Notre mission est de former pour transformer. Car nous sommes convaincus qu’il ne peut y avoir de changement sans acteurs du changement." Auteur de “Partout où je passe, les mêmes erreurs” en 2020 (Eyrolles), il partage une expérience précieuse pour les managers et chefs d’entreprises. Interview…
Qu’est-ce qui a déclenché cette volonté de sauver des entreprises ?
J’ai la conviction, étayée sur le terrain d’ailleurs, qu’un bon dirigeant d’entreprise n’est pas un bon dirigeant de crise. C’est un métier de spécialiste à la manière d’un urgentiste du SAMU. Quand un dirigeant doit gérer des difficultés, celles-ci vont absorber 80% de sa bande passante, or il est souvent plus utile à poursuivre la conduite de ses affaires.
J’aime les entrepreneurs, je les respecte et je les admire, et j’ai du mal à envisager qu’une entreprise puisse disparaître tant pour ses actionnaires, ses salariés que pour le territoire dans lequel est installé l’entreprise.
Comment une transformation des entreprises, humaine, agile et technologique, se traduit concrètement sur le terrain ?
D’abord je suis convaincu que les crises naissent dans les entreprises quand celles-ci ne se transforment pas.
Se transformer ce n’est ni s’adapter, ni se diversifier, mais c’est réellement faire évoluer le core business (le cœur de métier). C’est avoir une vision, c’est travailler avec toute son organisation pour réfléchir à l’entreprise, à ses marchés, à sa relation client. L’innovation et le digital doivent être au cœur d’une expérience utilisateur créatrice de valeur. Par ailleurs, le changement doit être porté par l’intérieur.
Le processus de sauvetage est à chaque fois différent... De toute façon, il faut échapper à cette idée qui voudrait que tout soit d’origine conjoncturelle : les chocs conjoncturels ne font qu’accélérer une détérioration structurelle.
Il faut savoir échapper aux idées reçues, à l’histoire que l’on se raconte à soi-même, et surtout il faut savoir écouter les signaux faibles et les mettre bout à bout pour comprendre (et admettre) la réalité de la situation.
L’agroalimentaire est en plus soumis à des contraintes financières souvent liées à la politique agricole commune et aux décisions de Bruxelles, et en plus à une réglementation de plus en plus forte avec des contraintes extérieures très médiatisées autour du bien-être animal par exemple, qui remettent en cause finalement les trente ou quarante dernières années de pratique.
Quel regard portez-vous sur la situation économique actuelle et quels conseils donneriez-vous aux PME et TPE qui connaissent des difficultés (et qui forment plus de 70% du tissu industriel agroalimentaire en France) ?
L’enjeu pour toutes les entreprises françaises est simple : se transformer. Et ça passe nécessairement par de l’investissement pour moderniser les installations et les process à l’instar de nos voisins européens. La crise planétaire que nous vivons va accélérer les choix et les allocations de ressources en fonction de la compétitivité, ce qui va disqualifier les sites non rentables et non compétitifs.
Par ailleurs les dirigeants et actionnaires d’entreprises doivent être conscients qu’il y a un nouveau regard sur le monde, de nouveau grands enjeux contemporains. La biodiversité, le climat, les cultures organiques, la biomasse, sont en train de prendre le pas et les nouvelles générations sont en train d’être strictes car elles ont cette conscience qu’il va falloir nourrir 3 milliards d’individus en plus dans les 30 prochaines années. Ce défi est colossal.
Les industries agroalimentaires françaises ont beaucoup de cordes à leur arc, et il est essentiel que les Régions puissent soutenir l’investissement, la modernisation et la transformation de nos industries pour en en faire des industries de pointe, et les meilleures en termes de sécurité alimentaire et qualité.