Rendre possible le travail des Robots et des Hommes dans une même zone de travail a été la nouvelle demande de l’industrie au début des années 2000, alors même que les précédentes "courses" des constructeurs robotiques (pour répondre sans aucun doute à d’autres demandes…comme celles de l’agroalimentaire) étaient à obtenir toujours plus de vitesses de mouvement ou toujours plus de charges lourdes transportées… sources même de la pénibilité des tâches. Antagonismes des demandes ou tout simplement complémentarités de besoins pour des applications bien différentes, voire des entreprises différentes ?
La sortie sur le marché en 2008 d’un "petit robot industriel sûr et abordable, d’une grande simplicité et souplesse d’utilisation" et permettant en plus de travailler "main dans la main" avec les opérateurs, sans barrière physique entre lui et les opérateurs, a été sans aucun doute le phénomène déclencheur de la tempête dans le monde de la robotique. Celle-ci, rapidement amplifiée par un déploiement mondial digne des dernières dynamiques marketing, aux vagues entrecoupées dans tous les sens, par l’arrivée sur le marché d’une kyrielle de solutions, a fait bouger tous les fabricants de robots dit "industriels", parce qu’elle est allée chahuter des solutions "puissantes", éprouvées, rapides, fiables…parfois trop rigides… Comment s’y retrouver ?
Fervente défenseur(e) du bon usage de chaque outil, je souhaite que le calme après la tempête soit l’ère "Des Robotiques", où chaque technologie saura trouver sa place, la plus adaptée aux besoins des utilisateurs et des entreprises pour faire progresser l’Industrie, voire l’artisanat, et en particulier les entreprises entre ces 2 mondes, qui ont des besoins et ne trouvaient pas forcément de solutions. Le Robot, dit "industriel" et/ou celui dit "collaboratif" (cobot) est un outil technologique, que l’on intègre dans une machine ou que l’on peut maintenant utiliser "manuellement" sans protection physique : s’ils sont bien utilisés, bien programmés et bien intégrés, ils permettent tous 2 de gagner en productivité, d’améliorer les conditions de travail, la qualité des produits… à condition principalement qu’ils répondent et soient adaptés aux objectifs prioritaires visés et au contexte d’utilisation. C’est de la responsabilité de tous les acteurs concernés, conseils, fabricants de robots, intégrateurs, fabricants de machines et utilisateurs que ce riche orchestre de solutions livre une belle symphonie plutôt qu’une inaudible cacophonie !
L’un des gages de réussite d’un projet robotique, quel qu’il soit, est son positionnement et son analyse dans le fonctionnement global de l’entreprise. Plusieurs paramètres sont à considérer : le fameux couple "métier/application" représenté par le secteur industriel (donc l’environnement de production) et la fonction à robotiser : Agroalimentaire/Palettisation fin de ligne par exemple et agroalimentaire/conditionnement primaire ne feront pas appel aux mêmes solutions. Il faut aussi considérer les flux matières et produits, le niveau d’interaction Homme-Robot souhaité, et toutes les caractéristiques précises du besoin : produits, conditionnements, cadences, volumes, Machines amonts et avales, Ressources Humaines… Il convient également de bien définir les objectifs visés et les prioriser. Recherche-t-on avant tout, des améliorations de productivité ? Plus de flexibilité ? Davantage de confort de travail et de sécurité pour les opérateurs ? Une meilleure qualité produit ? Les robotiques (toutes) peuvent apporter des solutions sur tous ces champs pour faire progresser les moyens de production, mais pas forcément tous à la fois, ni de la même manière.
Les cadences effrénées de production des gros volumes de l’agroalimentaire, tirées par la demande, ont trouvé des réponses dans les machines de conditionnement à très haute cadence par exemple, qui ne laissent pas forcément beaucoup de place à collaboration Homme-Robot. Hé oui ! Un robot en présence physique d’un opérateur dans la même zone de travail devra forcément limiter sa vitesse et contrôler les risques d’impacts et leur gravité potentielle : les textes réglementaires, au niveau des robots, de leur intégration (pour devenir des machines industrielles), sont formels et incontournables. Ceci ne voudra pas dire qu’il ne pourra pas aller vite mais qu’il devra ajuster sa vitesse à la proximité relative d’un opérateur. Cependant, toutes les applications robotiques ne nécessitent pas forcément de grandes vitesses : quelques colis à palettiser par minutes peuvent s’automatiser avec des robots collaboratifs de faible puissance alors qu’un palettiseur industriel robotisé "classique" lui, peut-être surdimensionné par rapport à ce besoin.
Dans le même registre d’exemple, il existe bon nombre d’entreprises où les opérateurs manipulent toute la journée, beaucoup de cagettes plastiques ou cartons (vides et pleines d’ailleurs !). Les rotations de ces conditionnements "intermédiaires" n’apportent absolument rien à la qualité du produit et leurs manipulations sont sources de forte pénibilité pour les opérateurs et consommatrices de temps. Il est préférable que les opérateurs apportent leur valeur ajoutée dans les actions minutieuses, le façonnement des produits, leur contrôle… Le robot collaboratif apportera là tout son intérêt en mettant à disposition de l’opérateur des cagettes vides et en se chargeant de l’empilage des cagettes pleines par exemple.
Bon nombre de nos entreprises agroalimentaires françaises se caractérisent plus par la recherche de la qualité et la diversité de leurs produits que par les quantités produites ; leur production est certaines fois très fractionnée afin de garantir une grande flexibilité et réactivité. La robotique collaborative, souvent associée à des interfaces de programmation simplifiées peut correspondre à ce segment de demandes, à condition de bien évaluer en amont et respecter les limites de cette simplicité à une tâche simple et bien définie.
Même si les constructeurs robotiques justifient tous d’une conformité aux normes et autres distinctions de sécurité de conception "Safety", la collaboration possible des Robots et des Hommes sur le terrain a fait naître une fonction incontournable et de toute importance dans la mise en œuvre des robots collaboratifs : l’analyse de risques. Elle concerne bien sûr les mouvements du bras robotisé lui-même dans tous ses cycles de l’application concernée, pour prévenir et éviter les risques de collision avec l’opérateur, les risques de dommages corporels et d’écrasement, mais elle concerne tout autant l’effecteur, "main du robot" permettant la préhension des produits, voire un outil de process, dans le cas, par exemple, d’une application de scarification en boulangerie. Ces outils eux-mêmes doivent faire l’objet d’une conception adaptée à la collaboration Homme-Robot. L’analyse de risques doit enfin porter sur l’application robotisée dans tout son ensemble, avec les situations de collaboration finement étudiées au moment de l’étude de faisabilité du projet. Pensons là aux risques de chute d’objets transportés, objets qui ne sauraient risquer de se transformer en projectiles… quant aux outils, pointus, tranchants, ils sont à proscrire de la collaboration !
Avec les évolutions des technologies robotiques vers plus de collaboration avec les Hommes, l’un des points clés reposera aussi sur la formation des utilisateurs à ces nouveaux outils de plus en plus "proches" d’eux. Si les robots sont toujours plus intelligents, et représentent des outils performants avec des interfaces toujours plus conviviales, le monde industriel doit s’adapter et l’Homme doit s’approprier ces technologies ! L’accompagnement par des spécialistes robotiques et la formation de toutes les équipes seront les clés d’une utilisation performante et pérenne des robotiques, collaboratives comme plus ou moins collaboratives !
Sylvie ALGARRA – 2WIN’MARKETS – Accompagnement Projets automatisation et Robotisation – Spécialisée dans l’agroalimentaire.